La première à défier l'hiver

Avant que le printemps ne s’installe vraiment, alors que le vent est encore froid et que la neige n’a pas fondu, le prunier commence déjà à fleurir. En coréen, on l'appelle 매화 (maehwa). Ses pétales discrets apparaissent sur des branches nues, comme une promesse discrète. Cette floraison précoce en fait une image forte dans la culture lettrée : la noblesse intérieure de celui qui se montre avant les autres, sans se soucier des conditions extérieures.

매화 ~ Symbole de résilience et de noblesse

Associé à la poésie dès la Chine ancienne, le prunier a été particulièrement popularisé par le poète Lin Bu (林逋) qui vivait en ermite "en compagnie des pruniers". Dès l’époque Song (du 10e au 13e siècle), les lettrés se rendaient en montagne pour contempler les premières fleurs de prunier : on appelait cela 심매 (尋梅), "la quête du prunier". Le prunier est ainsi devenu un symbole de fidélité à soi-même et de pureté morale.

Le prunier - Carte postale d'un des quatre gentilhomme
Le prunier : allégorie de la résilience - un des Quatre Gentilshommes

사군자 ~ L’un des Quatre Gentilshommes

Le prunier fait partie des 사군자 / 四君子 (sagunja), un terme que l’on peut traduire par les Quatre Gentilshommes ou les Quatre Plantes Nobles. Cette expression désigne quatre plantes très présentes dans la peinture lettrée d’Asie de l’Est (Corée, Chine, Japon) : le prunier (매화), l’orchidée (난초), le chrysanthème (국화) et le bambou (대나무). Dans la pensée confucéenne, chacune de ces plantes incarne une vertu. Ces plantes étaient un passage obligé pour les lettrés : les peindre ou les calligraphier était une façon d’exprimer son idéal moral.

Fleurir malgré le froid… et si c'était votre nature ?

Faites le test

Fleur du printemps hivernale

Ironiquement, le prunier est la fleur du printemps, mais il fleurit en hiver, souvent dès février. C’est cette floraison précoce, parfois sous la neige, qui lui vaut son image de courage tranquille. Là où tout semble endormi, il est le premier signe du renouveau.

En Corée, c’est bien le prunier qui ouvre le printemps. Contrairement aux idées reçues, le cerisier (벚꽃) est apprécié pour sa beauté éphémère, mais il n’a jamais été le symbole du renouveau en Corée.

Héritée du Japon, la symbolique du cerisier en fleur est même très différente : elle évoque une beauté éphémère, fragile et sentimentale.

En peinture et en calligraphie

Fleurs de prunier sur 12 panneaux par Heo Hyeong
Fleurs de prunier sur 12 panneaux par Heo Hyeong

Dans la peinture lettrée (문인화, muninhwa), le prunier a une place majeure. Dès l’époque Song, il est peint selon la technique molgolbeop (몰골법), avec des branches dynamiques et des fleurs tracées en traits simples ou en contours. Sa structure expressive était un moyen d’exercer la tension du trait, proche de la pratique de la calligraphie. On le retrouve à l’encre de Chine, d’un seul trait vif, ou sous forme de branches noueuses avec quelques fleurs fines. Cette tension entre rigueur et douceur illustre parfaitement son symbolisme.

Peinture d'un prunier en fleur accompagné d'une calligraphie chinoise
Prunier signé par Wu Zheng, avec deux sceaux, daté du printemps, 3e mois, année wuzi (1948) © Photo Christie's

Découvrir les autres Gentilshommes