Le noir et la matière : Monochromes coréens

Bienvenue dans ma première chronique !Vous l'avez compris, si vous êtes allé faire un petit tour où je vous raconte comment tout a commencé de France à la Corée. Je suis passionnée par la calligraphie coréenne et plus particulièrement en hangeul. Aujourd'hui, à mon tour de vous faire découvrir cet art et ses bienfaits qu'il apporte, et qui mérite vraiment d’être partagé. À travers mes chroniques, je vous parle non seulement de la calligraphie en elle-même, mais aussi de tout ce qu’elle m’a permis de comprendre de la culture coréenne. Mon but est de montrer que cet art est bien plus qu’un simple passe-temps, c’est une véritable porte d’entrée vers une culture riche, subtile et pleine de sens.J’espère pouvoir inspirer d’autres personnes à se lancer et à découvrir à leur tour, tout ce que la calligraphie coréenne peut leur apporter. Bienvenue dans mes chroniques mes Yemi !

Commencer mes chroniques avec l'exposition Le noir et la matière : Monochromes coréens est symbolique ! Il se trouve que la couleur noire est ma couleur préférée…

En route pour l'aventure !

"Paysage - Pa 09" de Lee Bae de 2002, détail sur les formes géométriques noires qui se détachent en relief sur un fond blanc, avec effet de matière.
Lee Bae "Paysage - Pa 09" 2002, détail. © Paris Musées / Musée Cernuschi

Le musée Cernuschi a mis en lumière avec l’exposition Le noir et la matière : Monochromes coréens, des œuvres récentes de quatre artistes coréens résidant en France : Yoon Hee, Lee Bae, Lee Jin Woo, et Yoo Hye Sook.

Le 21 septembre 2023 a eu lieu en lien avec l’exposition, la conférence Un sang d'encre : Métamorphoses du noir dans la peinture coréenne contemporaine, animée par Maël Bellec.Je ne vous fais pas un dessin… j’ai bien sûr fait les deux !

De gauche à droite, trois photos d'oeuvres exposées  : "Cheveux" de Yoo Hye-Sook de 2003, "Paysage – Pa 09" de Lee Bae de 2002 et "Sans titre" de Lee Jin Woo de 2016.
De gauche à droite : "Cheveux" de Yoo Hye-Sook de 2003, "Paysage – Pa 09" de Lee Bae de 2002 et "Sans titre" de Lee Jin Woo de 2016. © Maya Nastasya

Une immersion dans le Noir

Le noir attire le regard en créant du contraste, mais il absorbe aussi la lumière, rendant les surfaces plus denses et parfois énigmatiques. Cela produit une ambiance introspective, une atmosphère presque méditative, car le noir a la capacité d’engloutir les autres éléments visuels.Le noir, dans toutes ces œuvres exposées, devient plus qu’une simple couleur : il est un matériau, une texture, une lumière inversée. J'ai été fascinée par le côté brut et organique du charbon utilisé dans les œuvres, qui apporte une dimension tactile. Lee Bae l’utilise pour évoquer la force brute et la matérialité que l’on retrouve dans l’encre de Chine.Mais le noir possède aussi un fort symbolisme : il est souvent associé à la profondeur, à l'infini ou au vide. Dans l’art abstrait, comme celui présenté par les artistes Lee Bae ou Yoon Hee, il permet de concentrer toute l’attention sur la matière et la gestualité, sans la distraction de la couleur.Enfin, l’absence de couleur fait aussi appel à une sorte d’épure, une quête d’essence. Il nous pousse à entrer dans une relation presque intime avec l’œuvre, à chercher des nuances cachées dans cette absence apparente de variation, pour mieux ressentir la matière, le geste et la profondeur émotionnelle de l’œuvre.

"Projeté" de Yoon Hee de 2013, détail de noir et blanc, coulure de peinture projetée sur la toile.
Détail de l'œuvre "Projeté" de Yoon Hee, 2013. © Yoon Hee © Paris Musées / Musée Cernuschi

La brillance du Noir

Le mouvement de la peinture monochrome, appelé Dansaekhwa (단색화) est un style important en Corée, mettant l'accent sur les nuances subtiles et la texture de la matière. Ce qui m'a frappée dans ces œuvres, c'est la brillance des tableaux. Le noir, est tantôt mat, tantôt brillant, créant des reflets qui ajoutent encore plus de profondeur et de dynamisme aux œuvres. Ces œuvres se rapprochent finalement plus de sculptures que de simples tableaux. Elles nous invitent à nous déplacer pour en apprécier toute la richesse sous différents angles.Le charbon, par nature, possède des qualités brillantes une fois poli. Lee Bae, par exemple, la fait ressortir en ponçant les morceaux de charbon jusqu'à obtenir une surface lisse qui reflète la lumière. Ce contraste entre les zones mates et brillantes crée une dynamique visuelle saisissante. Les irisations qui se dégagent de ces surfaces apportent une luminosité inattendue à cette couleur sombre.

"Issu du feu" de Lee Bae de 2002, détail charbon sur toile.
Lee Bae "Issu du feu – Pa 49" (détail), 2002, Charbon et médium sur toile, 174 x 139,8 cm. © Paris Musées / Musée Cernuschi

Le charbon, symbole de la Corée ?

La conférence de Maël Bellec a apporté un éclairage précieux sur l'utilisation du charbon dans la peinture coréenne contemporaine. Il a expliqué comment cette matière est utilisée pour exprimer une multitude de sentiments et de significations, et comment elle continue d'inspirer les artistes contemporains tout en restant profondément ancrée dans la tradition.Le charbon, en tant que matériau, est un symbole fort de la Corée, surtout dans le contexte artistique contemporain où il est utilisé non seulement comme matière, mais aussi comme évocation de la mémoire et de l'identité coréenne.Historiquement, il a été utilisé pour chauffer les maisons surtout dans les régions rurales. Il est également associé à l'encre de Chine, fabriquée à partir de la suie, et utilisée en calligraphie et en peinture. Ces liens avec la culture et l'art font du charbon un matériau à la fois pratique et symbolique, évoquant à la fois la simplicité de la vie coréenne et la tradition artistique.Lee Bae, l'un des artistes coréens contemporains qui a le plus exploré l'utilisation du charbon, considère ce matériau comme un rappel de ses racines et de son enfance en Corée.Les artistes coréens, comme ceux du mouvement Dansaekhwa, ont trouvé dans le charbon un matériau à la fois dense et fragile, à l’image la force de la culture coréenne, capable de surmonter les défis tout en gardant une essence brute et authentique, une tension entre solidité et fragilité, entre le passé et le présent.

De gauche à droite, détail de trois photos d'oeuvres exposées  : "Cheveux" de Yoo Hye-Sook de 2003, "Paysage – Pa 09" de Lee Bae de 2002 et "Sans titre" de Lee Jin Woo de 2016.
De gauche à droite : Yoo Hye-Sook (née en 1964), "Cheveux" (détail), 2003 |Lee Bae (né en 1956), "Paysage – Pa 09" (détail), 2002 | Lee Jin Woo (né en 1959), "Sans titre"(détail), 2016. © Maya Nastasya

Les artistes coréens ont une fascination pour la matière

Lee Bae et Lee Jin-Woo travaillent principalement avec du charbon, riche de sens et notamment, symbolise le feu dans les traditions coréennes. Kim Ku-Lim va jusqu'à utiliser le feu dans ses œuvres, en les brûlant pour créer des textures uniques, un processus influencé par son expérience militaire et Lee Bae se concentre sur le charbon, qu'il ponce et polit pour créer des surfaces contrastées entre le mat et le brillant.Lee Jin Woo utilise le hanji, le papier traditionnel coréen, reconnu pour sa solidité malgré sa légèreté, ce papier pouvant durer des siècles. Il en superpose plusieurs couches qu'il ponce, et travaille ainsi sa texture à l'aide de charbon. Le hanji devient alors une toile sur laquelle le temps et le geste laissent des traces, jouant avec l’épaisseur et la transparence.Yoon Hee préfère projeter des pigments noirs sur du vélin pour créer des effets de coulure et des masses denses et Yoo Hye Sook travaille principalement au graphite et à l’acrylique, dans des œuvres qui explorent la répétition et le motif, notamment avec des représentations de cheveux.

"Paysage - Pa 09" de Lee Bae de 2002, détail effet de matière, comme un morceau de charbon brut sur fond blanc.
Lee Bae "Paysage - Pa 09" 2002, détail. © Paris Musées / Musée Cernuschi

Une nouvelle vie pour le Noir

Cette exposition sur le noir nous démontre que cette couleur est bien loin d'être neutre ou triste. J'ai beaucoup apprécié cette exploration sur le noir dans l'art contemporain coréen, cette couleur souvent mal comprise et que j'affectionne particulièrement pour son intensité et sa profondeur.Je vous encourage vivement à suivre les actualités du Musée Cernuschi, qui propose régulièrement des expositions fascinantes sur l'art et la culture coréenne contemporaine.

Pour plus d'informations, voir la page de l’exposition sur le site du Musée Cernuschi.

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